RELIGION - Religion et État

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Louis de NAUROIS

Edité par Encyclopædia Universalis - 2009

On entend ici par Église toute communauté d'adeptes d'une même religion, sans exclure, comme on le fait parfois, les religions non chrétiennes, ou les religions dépourvues plus ou moins complètement de structure hiérarchisée, avec distinction des simples fidèles et des ministres du culte (comme il en est par exemple dans l'islam). Les adeptes d'une même religion ont en commun un corps de croyances, pratiquent le même culte, suivent la même discipline (formulée le cas échéant par les mêmes autorités hiérarchiques), etc., et c'est en tout cela qu'ils constituent une Église. Par État, on entend l'organisme qui constitue la structure juridique, institutionnelle et politique de la communauté nationale : le pouvoir, par conséquent, et la législation qui émane de lui.Chaque Église a une conception propre de ses rapports avec les États sur le territoire desquels elle a des fidèles. Mais ce sont les États, maîtres du temporel, qui, en fin de compte, décident ; leurs rapports avec les Églises sont dans une très large mesure ce qu'ils veulent, et non ce que celles-ci voudraient qu'ils soient. On s'en tiendra donc ici à la perspective étatique, sans s'interdire de faire allusion, le cas échéant, au point de vue des diverses Églises.Églises et États se rencontrent nécessairement, et en divers domaines ; la cloison entre le temporel, dont l'État a la charge, et le spirituel, qui est de la compétence des Églises, ne peut pas être étanche, même si l'État ne prétend pas connaître du spirituel ni les Églises du temporel.Rencontre sur le terrain juridique d'abord : les Églises ne peuvent guère faire l'économie d'un statut de droit étatique ; il faut à leurs biens une assiette juridique, leurs activités intéressent l'ordre public, dont l'État porte la responsabilité ; certaines Églises – l'Église catholique notamment – ont leur législation propre en des domaines comme le mariage, dont s'occupe également l'État. Mais il y a beaucoup plus : s'affrontent parfois des conceptions du destin de l'homme qui sont à la base des dogmes, des morales des Églises, d'une part ; des législations, des structures, des politiques des États, d'autre part. L'enjeu est grave : indépendance de l'État par rapport aux « forces religieuses » ; efficience de son action en vue des fins qu'il s'assigne, de l'ordre public qu'il veut faire prévaloir ; cohésion de la communauté nationale, dont il est responsable, malgré le pluralisme religieux et les germes de cloisonnements qu'il porte en lui. Liberté de conscience pour les citoyens, liberté pour chacun de vivre comme il l'entend, liberté pour ceux qui pensent de la même façon de se grouper, sans subir de mesures discriminatoires, sans devoir rendre de comptes à quiconque et d'abord à César. Où s'arrête, en tout cela, la mission de l'État ? Comment délimiter le domaine qui est le sien ? À ce niveau, la rencontre, l'affrontement ne sont plus simplement du domaine du droit.Rencontre politique : il faut prévenir ou apaiser les conflits ; on négocie. S'agissant de l'Église catholique, et le Saint-Siège étant personne morale souveraine de droit international public, des échanges de représentants diplomatiques, des traités (que l'on appelle concordats) sont l'un des modes – non le seul – de ces négociations politiques. Rencontre, ou affrontement parfois, sur le plan sociologique enfin : influences, pressions de toutes sortes, des Églises sur l'État et réciproquement, pressions directes ou par personnes interposées. Les moyens ni les occasions ne manquent.Il ne saurait être question ici d'une étude d'ensemble des relations entre les Églises et les États sous les multiples et complexes aspects qui viennent d'être dits. Dans la perspective institutionnelle à laquelle on se tiendra, les solutions des problèmes qu'on a évoqués sont largement commandées par deux options fondamentales. En premier lieu, l'État prend parti pour une religion déterminée ou, au contraire, il s'abstient de le faire, il reste « en deçà » de l'option religieuse. On se trouve ainsi en présence de deux grands types d'États : d'un côté les États confessionnels, de l'autre les États non confessionnels ou « laïques ».La seconde option interfère avec la première : l'État confessionnel peut accepter, plus ou moins docilement, les impératifs de la religion qu'il professe, les faire passer dans sa politique, sa législation ; il peut aussi entendre rester maître de sa législation, de sa politique, laissant d'autre part l'Église libre dans le cadre des exigences de l'ordre public qu'il définit souverainement ; il peut enfin, à l'autre extrême, vouloir contrôler, dominer plus ou moins profondément cette Église, afin qu'elle serve sa politique ou du moins n'y mette pas entrave. C'est d'une part la théocratie ou le cléricalisme, d'autre part le libéralisme, enfin le gallicanisme. L'État non confessionnel ne saurait évidemment, par définition, être institutionnellement théocratique ou clérical, puisqu'il ne donne investiture officielle à aucune Église ; mais il peut, tout comme l'État confessionnel, opter, soit pour le libéralisme, soit pour le gallicanisme.

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