Barre d'icones
14 FÉVRIER 1974 OU LE MASSACRE DE CHALVET
LES ÉVÈNEMENTS DU 14 FÉVRIER 1974
Ces évènements ont jeté l’émoi et la colère dans toute la population ! Les gendarmes sont traités d’assassins par les habitants.
Ouvrage disponible à la BDP
CHALVET, LA CONQUÊTE DE LA DIGNITÉ


COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
CONTEXTE ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE 60-70
Le nombre de chômeurs augmente sans cesse. La canne est arrachée au profit de la banane. Les salaires sont de plus en plus misérables. Les ouvriers peuvent à peine nourrir leur famille. Les conditions de travail et les règles d’hygiène sont inexistantes.
Ouvrage disponible à la BDP


"FÉVRIYÉ 74" DE KOLO BARST
« Manmay manmay kouté, kouté sa qui pasé / Sété an févriyé 1974 » (bis) (Écoutez, écoutez ce qui s’est passé / C’était en février, en février 74.)
« Adan chan zannanna, tou pré komin’ Basse-Pointe / Asou bitation Chalvet, tè bétché ni pou ta yo/ Ouvriyé agrikol, té ka manifèsté... » (Dans les champs d’ananas, à proximité de la commune de Basse-Pointe / Sur l’habitation Chalvet, propriété des békés / Les ouvriers agricoles de la banane manifestaient.)
« Pou bétché té ogmanté, lé jounen bannan’la / Maléré byen organizé, té ka rivanditjé... » (Réclamant une augmentation de salaire / Les malheureux bien organisés, revendiquaient.)
« Déjà 3 jou yo ka lité, négosyasyon blotjé / Nèg di sa pé pa diré, fo yo ni sa yo lé / Genyen sa yo mérité, jiska lité san rété... » (Déjà trois jours de lutte, les négociations bloquées / Les Nègres voulaient en finir, obtenir ce qu’ils réclamaient / Gagner ce qu’ils avaient mérité, prêts à aller au bout de leur combat.)
Lèspri té ka chofé, mouvman ka bat’ douvan, Pep té ni dwa kryé, lanvi ba ich yo manjé (Les esprits s’échauffent, le mouvement avance à l’avant. Le peuple a le droit de crier, leur envie de nourrir ses enfants.)
Vérité pété tèt kolon ki préféré résté séré / épi o lé yo négosyé, yo criyé poliyié / Polisyé ki fèt épi nèg, katjilé avan alé... (Face à cela les colons ont préféré se cacher / Et loin de négocier, ils ont fait appel aux policiers / Les policiers, frères des Nègres, ont hésité.)
« Alo pou ranplasé yo vwéyé mitrayèt / Mitrayèt ki pa ni tjè, aksèpté mision-a / Pli nèg té ka vansé, pli bal réyèl ka tiré… » (Ils ont alors été remplacés par des gendarmes / Les gendarmes, sans cœur, ont accepté la mission / Plus les nègres avançaient, plus les balles sifflaient.)
« Ouvriyé pran kouri séré, bal réyèl kontinué tiré / 2 kanmarad tonbé, Ilmany épi Marie-Louise / Ilmany tonbé Chalvet, Marie-Louise tonbé apré… » (Les ouvriers se mirent à l’abri, les balles continuaient de pleuvoir / Deux camarades s’écroulèrent, Ilmany et Marie-Louise / Ilmany tué à Chalvet, Marie-Louise ailleurs.)
« Sété an févriyé, févriyé 74 / Marie-Louise tonbé Lorrain, yo mennen-y lakapot’ / Sété an févriyé / Févriyé 74… » (C’était en février, en février 74 / Marie-Louise tué au Lorrain, son corps fut transporté au Morne-Capot / C’était en février, en février 74.)
« Manmay manmay kouté, kouté sa ki pasé / févriyé 74 yo tjwé nèg ka chaché manjé… » (Écoutez, écoutez ce qui s’est passé / En février 74, on a tué des Nègres qui cherchaient à se nourrir.)
LES PRINCIPALES GRÈVES AGRICOLES EN MARTINIQUE
-
Février 1900: Cette grève marchande fait le 8 février, au François, dix morts et dix-huit blessés du côté des ouvriers agricoles. Ces derniers ont été « exécutés » alors qu’ils réclamaient un salaire minimum de 2 francs par jour (le salaire d’avant 1884). Mais à force de luttes, ils obtiendront gain de cause et un accord est signé le 15 février 1900. -
Février 1923: nouvelle grève meurtrière à Bassignac. Elle est appelée la grève « marchante » car les ouvriers allaient d’usines en exploitations agricoles. Deux ouvriers perdront la vie et trois seront blessés sur l’Habitation Ressource au quartier Bassignac.
-
Février 1935: Cette grève est appelée « marche de la faim » par l’historien Edouard de Lépine. À l’origine de cette grève la baisse des salaires de 20 %. Une demande formulée par les patrons et ratifiée par le gouverneur Alfassa. Cette décision est inacceptable pour les ouvriers de la canne à sucre. La colère monte et le 11 février des ouvriers venus de plusieurs communes convergent vers Fort-de-France. Victor Sévère, la maire de l’époque sert d’intermédiaire entre les ouvriers et les patrons. Ces derniers sont inflexibles. Le compromis est signé et appliqué. Les ouvriers agricoles ne décolèrent pas et sont profondément indignés, mais ils sont désormais accompagnés par des militants communistes.
-
Mars 1948 : des ouvriers agricoles sont face à la répression à l’Habitation Lajus au Carbet.
-
Mars 1951 : C’est à Ducos à la Chassaing que la répression eut lieu.
-
Mars 1961 : Les ouvriers du secteur de la canne à sucre sont réprimés le 24 mars 1961 au Lamentin lors d’un mouvement de grève. Ils revendiquaient pour une augmentation de leur salaire. La grève de mars 1961 fait trois morts (deux ouvriers et une couturière) et vingt-cinq autres personnes blessées. Les gendarmes resteront impunis. George Gratiant, maire communiste de l’époque prononça lors des funérailles un discours-poème mémorable intitulé « Les trois tombes ». Cet éloge lui valut d’être démis de son mandat de maire à la demande du Ministre des Armées Pierre Messmer.
-
Février 1974 : la grève de 1974, fait deux mort et dix blessés à Chalvet. Elle est considérée comme la dernière grève agricole postcoloniale.
SE SOUVENIR : UN DEVOIR DE MÉMOIRE !
Ces évènements de Chalvet font partie des moments forts de l’histoire de la Martinique. Pour immortaliser ces évènements, plusieurs historiens ont écrit des ouvrages sur le sujet, comme Marie-Hélène Léotin, Édouard de Lépine. Camille Mauduech réalise un film documentaire « Chalvet, la conquête de la dignité », elle y donne la parole à de nombreux protagonistes : ouvriers agricoles, militants syndicalistes, etc.
Et le Chanteur Kolo Barst retrace ces évènements douloureux en musique.
Une stèle a depuis été érigée sur les lieux du drame en mémoire de la lutte de ces ouvriers de la banane et de ceux tombés ce 14 février 1974. Chaque année, des marches mémorielles sont organisées pour leur rendre hommage. Des actions sont aussi mises en œuvre dans les bibliothèques municipales du nord en direction de la population.