PSYCHOLOGIE COGNITIVE
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Edité par Encyclopædia Universalis - 2014
Toutes les disciplines scientifiques rencontrent à un moment ou un autre la nécessité de qualifier leur dénomination par des épithètes qui spécifient un champ, un sous-domaine ou une orientation particulière en leur sein. Ainsi en va-t-il de la psychologie. S'il n'est pas question ici de recenser les désignations qualifiant tous les champs ou toutes les branches de la discipline, il est pertinent, en tout cas, de cerner les raisons qui ont présidé à l'apparition de cette appellation particulière qu'est la « psychologie cognitive », dans le vaste territoire de la psychologie.Les premiers signes de l'émergence d'un champ destiné à constituer la psychologie cognitive se situent dans les années 1950, probablement vers la fin de cette décennie. Cette nécessité semble s'être imposée au sein de la discipline pour désigner commodément la partie de celle-ci dévolue à l'étude des processus par lesquels l'esprit humain exerce les fonctions dites « supérieures », comme la compréhension du langage, le raisonnement, la résolution de problèmes.Par cette désignation, un champ d'intérêt se trouvait délimité, et surtout les psychologues marquaient le contraste entre ce champ et celui concerné par les processus affectifs, émotionnels ou motivationnels. L'idée n'était sans doute pas de suggérer que ces deux champs étaient irréductiblement imperméables l'un à l'autre, mais qu'assurément ils pouvaient, devaient ou méritaient d'être examinés par des regards distincts. Cette distinction, dans ses formes les plus rigides, a été dépassée entre-temps, et il existe de nos jours, on le verra, une psychologie qui a pour ambition de rendre compte des processus affectifs au sein même des modélisations d'inspiration cognitive.La psychologie cognitive est un domaine marqué par la régulière expansion de son territoire au long des décennies. Ainsi, alors qu'à son émergence elle avait tendance à couvrir ce qu'il était convenu d'appeler les « fonctions intellectuelles supérieures » et à ne pas inclure dans son champ l'étude des processus sensoriels, la psychologie cognitive s'est progressivement annexé toutes les étapes par lesquelles l'esprit humain traite l'information, depuis la prise d'information sensorielle – en passant par la construction des événements perceptifs et leur mise en mémoire –, jusqu'à leur récupération et leur utilisation dans des activités finalisées comme le raisonnement. Le programme de la psychologie cognitive s'est également étendu par le développement d'hypothèses sur la notion d'« architecture cognitive » et sur les niveaux hiérarchisés d'intégration que cette architecture implique.Le trait commun de tous les travaux inscrits sous la désignation de psychologie cognitive est de relever de ce que l'on qualifie comme une psychologie « à visée scientifique » (pour reprendre une autre division classique, celle qui oppose cette dernière branche à une psychologie plutôt guidée par l'approche clinique, axée sur l'examen des cas individuels). L'édification d'une connaissance basée sur l'administration de la preuve s'appuie sur un ensemble de méthodes qui permettent de collecter des faits empiriques destinés à venir à l'appui de conjectures. La psychologie fait appel à la méthode expérimentale et à la démarche hypothético-déductive, hautement spécifique d'une discipline qui fait face à un redoutable défi : être en mesure de parler de processus internes et de représentations mentales, qui sont autant d'entités postulées et non directement observables, tout en s'appuyant sur les seuls observables disponibles, à savoir les comportements. Ce programme de recherche a été soutenu au long des décennies par un ensemble de techniques et de paradigmes, au nombre desquels la méthode chronométrique, dans ses nombreuses variantes, a permis de rendre compte avec finesse des processus engagés dans le fonctionnement cognitif.