Paru aux éditions IBIS Rouge en 1998, cet essai d’ethnohistoire retrace l’existence d’un quartier « Au- Béro » ayant existé à Fort de France dans les années [1860] au bord du canal Levassor à l’embouchure de la rivière Madame. Ses habitants étaient pour la plus part des indiens venus d’Inde pour accomplir des contrats d’engagement dans les habitations de Martinique en remplacement des anciens esclaves.
Selon l’auteur, l’exclusion sociale dont ces indiens ou « Coolies » miséreux étaient l’objet, faisait de ce quartier un lieu idéal pour les contingenter aux limites de la ville. Car, à cette époque, force est de constater que la spatialité de fort de France est bien organisée. Le Centre-Ville mulâtre, les quartiers nègres de Trénelle et de Volga-Plage, Sainte-Thérèse et ses chinois, la route de Didier et ses békés. Les années s’écoulent, et les candidats au rapatriement en Inde éprouvent les pires difficultés pour faire aboutir leurs demandes. Pris au piège du non-rapatriement pour la plus part, ces immigrés étaient obligés de se réengager pour ne pas être poursuivis pour le délit de vagabondage et de mendicité.
Pourtant, dès le début de l’immigration, les philanthropes anglais et le gouvernement indien avaient exigé l’application d’une clause stipulant le retour gratuit pour les ressortissants ainsi que leurs familles à l’issue de leur période de travail contractuel. Entre temps, ces hommes déçus se laissent aller à l’alcoolisme, au suicide et la clochardisation. Victor Sévère alors maire de la capitale, face aux nombreuses récriminations de ses administrés décide d’employer ces derniers pour le nettoyage de la ville et l’enlèvement des fameuses tinettes. D’ailleurs, il semblerait que c’est de cette époque que datent certains propos de mépris à leur encontre, tel que l’ambigu proverbe créole : « Tout Kouli ni an kout dalo pou i fé » qui peut signifier « Tout «Coolie » doit tôt ou tard, nettoyer les dalots » ou encore « Tout « Coolie » se retrouvera un jour ou l’autre dans le dalot.
En 1970, disparaissait sous les flots de la tempête Dorothy, le quartier Au-Béro. Alors, pourquoi ne pas s’interroger sur la non-reconstruction de ce lieu qui pourtant était à la jonction entre Indianité et Créolité ?
C’est ainsi qu’à travers l’histoire de ces immigrants indiens, une page de l’histoire de Fort de France mais aussi de la construction de notre identité-mosaïque martiniquaise nous est formulée dans cet essai que je vous invite à lire ce mois-ci.
Patrick